Iran

Bam

Carole & Mike

5 oct. 2018

Bam

Route vers la frontière – 03-05.10.2018

Environ 800 kilomètres nous séparent du poste frontière avec le Pakistan. Après une heure de route, nous constatons déjà une baisse de l'humidité et la chaleur devient rapidement supportable. Dans les montagnes, nous circulons même à plus de 2'000 mètres d'altitude et il fait frais. Après dix jours de canicule, c'est agréable.

Nous faisons halte à Bam, ville qui fut presque rayée de la carte lors du séisme de 2003, avec près de 30'000 morts et autant de blessés. Nous nous installons pour la nuit près d'un parc. Comme partout en Iran, les gens se plaisent à pique-niquer et les familles sont réunies en nombre autour des grils, assis sur leurs couvertures. Ici les touristes ne courent pas les rues et plus que n'importe où ailleurs, nous avons l'impression d'être des extraterrestres débarqués d'une autre planète. Rapidement une vingtaine de personnes encerclent le camion et nous observent, par la porte, par les fenêtres, d'un œil plus qu'inquisiteur qui nous met mal à l'aise. Nous avons de la peine à leur faire comprendre qu'il s'agit de notre maison et qu'ils ne peuvent pas nous épier de la sorte ! 

Les Iraniens se couchent tard, et de ce fait se lèvent tard. Nous profitons d'une journée calme pour bricoler un peu autour du camion. En fin d'après-midi, nous décidons de nous rendre en ville faire quelques courses et récupérer quelques derniers rials. Jusqu'à maintenant, et à quelques rares exceptions, nous avons toujours effectué notre change dans la rue. Mais à Bam, les gens nous chassent presque lorsque nous en faisons mention. Il nous faudra près de deux heures de patience et l'aide et la gentillesse d'une Iranienne de Chiraz pour que quelqu'un accepte nos dollars à un taux bien inférieur à celui du cours. Nous n'avons pas le choix. Il faut remettre du diesel dans le camion et nous ravitailler avant l'escorte qui nous attend dès le lendemain à Zahedan. L'attitude des gens est très différente aussi de celle des habitants des autres villes. Elle vient confirmer le fait que les touristes ne s'arrêtent pas souvent ici.

 

Citadelle de Bam – 05.10.2018

 

Avant de reprendre la route, nous procédons à notre dernière visite d'Iran : l'Argh-e Bam. Cette ville-citadelle, qui s'étend sur 180'000 m2, date du 5e siècle av. JC et fut détruite lors du séisme de 2003. C'était le plus grand ensemble construit en adobe du monde : argile, mélangée à de l'eau et de la paille, façonnée en briques et séchée au soleil. Elle fut habitée jusqu'en 1850. 80% de la ville s'est effondrée lors du tremblement de terre. Un plan de sauvetage est en cours et une partie des bâtiments a déjà été reconstruite, dont la citadelle.

Bilan de notre séjour en terre perse

Sur la route à travers le Dasht-e Lout, en direction de Zahedan, il est l'heure de tirer un bilan sur ce voyage de près de deux mois en Iran. Nous avons vécu un dépaysement total avec des paysages fascinants et des villes magiques dont nos deux coups de cœur respectifs : l' Ile d'Hormuz  et la ville historique de  Yazd .

Nous avons rencontré des gens charmants et d'une hospitalité sans pareille, trop nombreux pour tous les citer ici. Nous avons toutefois et à maintes reprises été les victimes du  taarof , utilisé à notre insu et dans un but purement opportuniste. 

Deux questions reviennent sur toutes les bouches... Comment trouvez-vous l’Iran ? Comment trouvez-vous les Iraniens ? S’il vous blesse, la première réaction d'un Iranien ne sera pas de s’excuser mais de se demander ce que vous allez penser de lui et quelle image vous allez véhiculer sur l’Iran une fois de retour dans votre pays.

Ce qui nous a probablement le plus marqué, c’est cette relation je t’aime moi non plus avec les Etats-Unis, et ce malgré la révolution de 1979 et la prise d’otages de l’ambassade des Etas-Unis . Nous avons vécu l’Iran au cœur des sanctions et pourtant, on parle en dollars et on vit en dollars. Si le dollar fluctue, le rial lui aussi s’adapte, ce qui est insensé, surtout pour des denrées produites sur sol iranien. Entre le toman, le rial et le dollar, c’est en perdre la tête, sans parler du fait que les Iraniens n’ont que les USA en bouche.

Les prix ne sont jamais affichés, à l’exception des grandes surfaces qui sont relativement rares. Ils sont pratiqués la plupart du temps à la tête du client. Autant dire que le voyageur est repéré aisément… La différence notoire se fait à l’entrée des sites touristiques, gratuits généralement pour les gens locaux.

La bonne nouvelle pour nous, c’est qu’avec les sanctions, le cours du rial a évolué très vite et en notre faveur. A la mi-août, nous changions 1€ = 70'000 rials et à la fin de notre séjour, moins de deux mois plus tard, le taux était de 1€ = 220'000 rials. Incroyable ! L’Iran est aussi le seul pays, à notre connaissance, à dévaloriser de la sorte sa monnaie, en pratiquant un taux de change doublement, voire triplement inférieur à celui de la banque.

Question nourriture, les gens du pays mange essentiellement du riz, des légumes et de la viande sur gril, sans sauce. Le petit déjeuner se compose en principe de tomates, de concombres, de fromage blanc et de pain iranien. Les viandes sont toujours cuites à point, ce qui fait qu’ici personne n’use du couteau. A moins de se retrouver dans un restaurant européen, il faudra apprendre l’art de la découpe à la cuillère.

Il y a aussi beaucoup à dire sur la conduite iranienne. En fait, il n'y en a pas. Lors de l'examen, on ne leur apprend qu'à manœuvrer. Personne ne connaît ni le code de la route, ni les priorités, ni les présélections, ce qui nous a amené à deux accidents stupides où les conducteurs se sont littéralement jetés sous les roues du camion. La route est truffée de gendarmes couchés, attention, pas de légers dos d'âne, mais des espèces de butes énormes qui nous forcent à l'arrêt à chaque instant, c'est usant. Quant au carburant, c'est du bonheur total de faire son plein pour moins de dix centimes par litre à la seule condition de trouver une station qui accepte de le faire ! Et oui, au pays du pétrole il faut une carte pour mettre son diesel, carte que nous ne possédons pas car nous sommes touristes... C'est donc au bon vouloir du pompiste, ou selon la générosité des autres chauffeurs qui nous permettent d'utiliser leur carte, que nous faisons péniblement des pleins de 20 à 80 litres.

Mise à part que les Iraniens sont meilleurs que tout le monde dans bien des domaines – ce qui nous rappelle vaguement les Turcs –, qu’ils détestent être comparés aux arabes, et que leur pays présente un joyeux chaos sous toutes les formes imaginables, c’est un lieu magnifique qui gagne à être connu et que nous ne pouvons que recommander. Nous avons apprécié chacun de nos instants ici et quittons la terre perse avec des souvenirs plein la tête.

 
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